Journal Décembre 2023 - N15

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DECEMBRE 2023 ERIC ANCEAU ASK YOUR PROF NOS DECOUVERTES CULTURELLES DE 2023 Mais aussi à la Conquête du Canada, 4 questions à, Thomas and the Campus, Rambobin’Âge, Cinérama, Keskonfai, et Retour Sur NUMÉRO 15

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L’ÉDITO Cher tous, C'est avec joie que nous nous retrouvons en cette fin d'année 2023 pour un nouveau numéro d'E-Storia. Depuis mars dernier, nous avons fait de notre mieux pour vous fournir un contenu historique pour plaire au plus grand nombre. Pour terminer en beauté cette année, Sarah Coudray a décidé de vous exposer nos découvertes culturelles. Chansons, spectacles, livres ou encore séries, plongez à travers l'année de Elise Labbé, Paul Jeannin Jeannel, Diane Castel, Sarah Coudray et moi-même. Cette scène culturelle est mise en avant pour la deuxième fois par Hugo Rin dans la fraîche rubrique « Rembobin’Âge », où Hugo explore ce mois-ci la figure de Alan Turing dans le cinéma post Guerre mondiale. Thomas and the Campus fait son grand retour pour ce numéro. J’aime me poser des questions. Et quelle meilleure question en cette période de fêtes que « Qui est le Père Noël ? ». D’autres rubriques retrouvent également place dans le sommaire, comme c’est le cas pour 4 questions à. Louise Roy-Maurin est étudiante en histoire à Nancy. Candidate au grand concours de beauté Miss Nancy et Métropole, elle nous livre ses secrets quant au Master. Mario Mandile est étudiant italien en ERASMUS. Dans une volonté d’analyser avec lui son voyage, nous avons abordé avec Martin Vincent et Elise Labbé ses premières semaines en France. Ask Your Prof, rubrique qui tient particulièrement au coeur de nos chers lecteurs, voit dans ce numéro, mettre Monsieur Eric Anceau à l’honneur. Historien français et enseignant à l’Université Paris Sorbonne, il est spécialiste de Napoléon III. Pour cette rentrée universitaire 2023-2024, il a débuté un enseignement à l’Université de Lorraine. Nous l’avons donc rencontré au mois de septembre pour comprendre son ressenti. Ces sujets variés et colorés sauront, je l'espère, vous ravir au lendemain des fêtes de Noël. Je m’associe à toute la rédaction pour vous souhaiter une très bonne saint sylvestre et une merveilleuse année 2024, Thomas Chiarazzo

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INTERVIEW Eric Anceau – E-Storia décembre 2023 Thomas Chiarazzo À l’occasion de cette rentrée universitaire, Thomas Chiarazzo a rencontré Éric Anceau, qui succède à Jean El Gammal sur le poste de professeur d’histoire politique contemporaine de l’Université de Lorraine. Il arrive à Nancy au terme d’un long parcours qui fait de lui un enseignant chevronné. Agrégé et docteur en histoire, il a d’abord passé onze ans dans l’enseignement secondaire du collège classé en zone d’éducation prioritaire au lycée à classes préparatoires dans les Académies d’Amiens, de Versailles, de Créteil et de Paris. Il a ensuite enseigné à Sorbonne Université pendant vingt-quatre ans en tant que maître de conférences, puis maître de conférences habilité à diriger des recherches doctorales. Interview -Thomas Chiarazzo Photos -Thomas Chiarazzo Relecture – Johanna Lacouture, Diane Castel Mise en Page – Léo Marchal Pourquoi avoir choisi d’étudier et d’enseigner le XIXe siècle et plus spécifiquement le Second Empire ? Au cours de mes études d’histoire, je me suis passionné pour les XVIIIe et XIXe siècles. J’ai d’ailleurs consacré mon mémoire de maîtrise, l’ancêtre du master, à la Révolution française, à la jonction des deux siècles, de la Moderne et de la Contemporaine, pour me laisser le temps de la réflexion. Après avoir passé l’agrégation, je suis allé trouver Jean Tulard pour entreprendre un doctorat et il m’a suggéré de travailler sur le Second Empire, un régime longtemps sous-évalué et sur lequel il y avait beaucoup de recherches à faire. Comme j’avais lu et adoré toute l’œuvre de Zola dans mon enfance, j’étais ravi. J’ai donc consacré ma thèse de doctorat aux députés du Second Empire dans une approche à la fois d’histoire politique et d’histoire sociale. J’ai publié ensuite une biographie de Napoléon III et de nombreux autres travaux sur la période, ai fait des centaines de conférences et participé à plusieurs documentaires sur elle et ai également été invité à l’étranger pour en parler. Au bout d’une quinzaine d’années, j’ai ressenti le besoin d’élargir mes recherches en amont et en aval pour ne pas me laisser enfermer dans le sujet (« LE » spécialiste du Second Empire), mais aussi et surtout par intérêt personnel. Depuis toujours, les rapports qu’entretiennent les Français avec l’État, le pouvoir, leurs élites me passionnent. Au cours des dix dernières années, j’ai publié une histoire des élites, une histoire de la laïcité et une histoire des impôts. J’en prépare une autre sur la nation. Depuis vos débuts dans l’enseignement, en 1988, comment l’enseignement de l’histoire a-t-il évolué selon vous ? Dans le secondaire, les enseignants sont tributaires des dirigeants qui orientent les programmes. L’histoire a toujours été dans notre pays un grand enjeu politique. S’ajoutent des effets de mode. Après le « roman national » qui a structuré les programmes, en particulier sous la Troisième République, la mondialisation, l’intégration européenne, de nouvelles préoccupations, ont élargi l’horizon.

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À partir du début des années 1980, la part de la chronologie et de l’événement a été réduite au détriment

d’une histoire plus thématique abordée par le bas. On s’est assez rapidement rendu compte que les élèves perdaient les repères fondamentaux. On est depuis revenu à quelque chose de plus équilibré, mais on peut déplorer la réduction du volume horaire disciplinaire. Il faut dire autant, voire plus, en moins de temps ! Nous sommes beaucoup plus libres dans l’enseignement supérieur. En revanche, les enseignants-chercheurs doivent y accéder et ce n’est pas simple. Les postes sont rares. Il a fallu faire une place à de nouvelles approches : l’histoire globale, l’histoire du genre, l’histoire des représentations, l’histoire environnementale, et c’est très bien ! Cela s’est malheureusement fait non pas en plus d’une histoire plus classique, fondamentale, incontournable : l’histoire politique, l’histoire économique, l’histoire sociale, mais à son détriment, car le nombre de postes n’a pas été augmenté. Il a même plutôt été réduit au nom des « contraintes budgétaires »… Après la Sorbonne, vous rejoignez l’Université de Lorraine, comment imaginez-vous ce nouveau poste ? La chance que j’ai et que je mesure en rejoignant l’Université de Lorraine est que j’ai été élu pour y faire ce que j’aime faire, c’est-à-dire une histoire politique et sociale de la France et de l’Europe contemporaines centrée sur le XIXe siècle. Le poste que j’occupe est un poste rare dans l’Université française. Il a été illustré par des maîtres du genre en histoire politique : Pierre Barral, Gilles Le Béguec et plus près de nous Jean El Gammal. Plusieurs de mes doctorants de Sorbonne Université m’ont suivi ici et font désormais partie du grand laboratoire d’histoire de l’Université de Lorraine, le CRULH. Des premiers masterants se sont inscrits avec moi sur la guerre de 1870 dans la Meurthe (le département dont la Meurthe-etMoselle est l’héritière) ou encore sur de grandes figures de la vie politique locale et nationale. Nous allons continuer de développer ici l’histoire politique et essayer de la faire rayonner bien au-delà de la Lorraine, en particulier avec nos universités partenaires de Liège, de Luxembourg, de Sarre et de Trèves. Vous avez été professeur invité en Angleterre, en Pologne, en Roumanie ou encore en Chine, est-ce que ces voyages vous ont apporté un regard nouveau sur l’histoire européenne ? C’est toujours très intéressant d’être invité dans des pays étrangers et de se confronter à d’autres pratiques disciplinaires, de découvrir un autre regard sur l’histoire. On y découvre aussi la manière dont ces pays nous perçoivent et perçoivent notre histoire. En Roumanie, j’ai été professeur invité à la faculté de science politique de l’Université de Bucarest en tant que spécialiste de Napoléon III. On le sait trop peu, mais le dernier souverain français est le créateur de la Roumanie. Il s’agissait de rappeler le rôle qu’il avait joué dans le processus de construction de l’État roumain. J’y ai aussi parlé de l’histoire du populisme et du gouvernement par les experts, deux sujets auxquels nos amis roumains sont particulièrement sensibles. J’ai eu le plaisir d’y passer un mois pour faire des conférences en français et en anglais. En Chine, il y a aussi un grand intérêt pour Napoléon, Napoléon III et De Gaulle : d’abord parce qu’ils ont fait rayonner la France et qu’ils y sont admirés ; ensuite, parce que les Chinois voient un parallèle, plus ou moins fondé, entre eux et certains de leurs dirigeants, Xi Jin Ping en particulier. Voilà une belle occasion pour l’historien d’établir ou de rétablir certaines vérités, avec diplomatie, nécessairement…

À partir du début des années 1980, la part de la chronologie et de l’événement a été réduite au détriment

Depuis 2000, vous enchaînez les récompenses pour vos travaux, deux fois le Grand Prix de la

Fondation Napoléon, le prix littéraire du Mémorial d’Ajaccio mais surtout plusieurs prix de l’Institut de France dont le Prix Guizot de l’Académie française en 2018. Est-ce que ça vous donne envie de continuer à publier ? Ces prix sont une reconnaissance du travail accompli. C’est toujours un immense honneur de voir son nom appelé sous la coupole de l’Institut de France pour y recevoir un prix. Cela permet de faire mieux connaître ses travaux. Cependant, ce n’est ni un gage absolu de qualité, ni surtout une fin en soi. Les deux derniers livres individuels que j’ai publiés, Laïcité, Un principe de l’Antiquité au temps présent et l’Histoire mondiale des impôts de l’Antiquité à nos jours n’ont été primés ni l’un, ni l’autre, contrairement à certains de ceux qui les ont précédés. Et pourtant, cela ne les a pas empêchés d’avoir de belles recensions dans les revues scientifiques, de bénéficier d’une large couverture médiatique et de très bien se vendre… Pour vous, est-ce qu’Histoire et Politique sont liées ? La question est complexe. Il est capital que la science historique puisse s’épanouir indépendamment de toutes ingérence du politique et l’universitaire est très attaché à son indépendance. Dans mon cas, c’est une des raisons qui m’ont fait choisir cette voie professionnelle. Cependant, l’universitaire est aussi un citoyen. Si certains collègues se réfugient dans leur tour d’ivoire, ce que je peux comprendre, je ne les juge pas, je n’ai pas cette conception du métier. J’estime que si nous ne détenons évidemment pas la science infuse, nous avons un point de vue éclairé sur le monde qui nous entoure, qui plus est quand on fait de l’histoire politique contemporaine. Je ne refuse donc pas de donner mon sentiment lorsqu’on me le demande. J’ajouterai que nous sommes, comme je le disais tout à l’heure, dans un pays où l’histoire passionne. « L’histoire, cette passion française », comme l’écrivait Antoine Prost... Elle est très présente dans le discours de nos politiques… pour le meilleur et pour le pire. Il est fondamental que nos dirigeants aient une culture historiques solide. Tel n’est malheureusement pas toujours le cas, nettement moins en tout cas que par le passé. Il est donc important que l’historien soit présent sur le forum pour mettre en garde ses concitoyens contre les erreurs grossières ou les instrumentalisations dangereuses de notre histoire. Cette rentrée marquait l’interdiction officielle de l’abaya en milieu scolaire, en tant qu’expert de la laïcité, que pensez-vous de cette décision ? La laïcité est un principe politique surplombant, qui permet de vivre en commun, de mettre en musique nos grandes valeurs républicaines, la liberté, l’égalité et la fraternité. À partir de là, les politiques peuvent, s’ils le jugent nécessaire, adapter la laïcité, aux nécessités du temps. Rien n’est coulé dans le marbre. La loi dite de séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905 est évidemment centrale dans notre laïcité, mais contrairement à ce que j’entends dire souvent, notre laïcité qui n’y est d’ailleurs pas mentionnée, ne se réduit pas à elle. Le législateur y a ajouté de nouvelles lois, en particulier celles de 2004 et de 2021 qui ont fait encore évoluer notre laïcité. Je ne porterai aucun jugement sur la nécessité ou pas d’interdire l’abaya. Je dirais simplement deux choses : 1°) il n’est pas souhaitable que le politique n’assume pas ses responsabilités et se défausse sur les chefs d’établissement et sur les enseignants d’une telle question, comme l’ancien ministre de l’Éducation nationale, Pap N’Diaye l’a fait et 2°) l’abaya est un vêtement culturel mais que certains et certaines utilisent à des fins politico-religieuses comme cela a été démontré et, à partir de ce moment-là, son port relève de la législation sur la laïcité. C’est d’ailleurs exactement le sens de l’avis rendu par le Conseil d’État sur le sujet.

Depuis 2000, vous enchaînez les récompenses pour vos travaux, deux fois le Grand Prix de la

À quoi peuvent s’attendre les étudiants qui vont vous avoir en cours cette année ?

En cours magistral et en TD de licence, mais aussi en cours et séminaire de master et de doctorat, j’espère leur donner le goût de la réflexion et de l’histoire et aussi leur apporter le bagage historique dont ils ont besoin à la fois pour devenir des citoyennes et des citoyens éclairé.es et pour s’épanouir sur le plan professionnel, quelle que soit la voie qu’ils emprunteront ensuite. Si, parmi eux, de nombreux deviennent à leur tour historiens et enseignants, je serai particulièrement heureux car l’École de la République est à mes yeux fondamentale.

À quoi peuvent s’attendre les étudiants qui vont vous avoir en cours cette année ?

4 Questions À...

Louise Roy Maurin Louise a 23 ans. Etudiante en Master MEEF Histoire-Géographie à Nancy. En février prochain, elle sera candidate pour le titre prestigieux de Miss Nancy et Métropole. Interview – Thomas Chiarazzo Pourquoi t’es tu inscrite au concours ? Je me suis inscrite par curiosité, en me demandant ce que ça allait donner. Si je ne suis pas élue, ça ne changera rien, être Miss n’est pas un but dans ma vie. Après, pourquoi pas éventuellement me présenter à Miss Meurthe-et-Moselle, mais je m’arrêterais là. C’est ce qui m’a amené à me présenter, voir la vie d’une potentielle Miss. L’année prochaine je serai professeure, j’aurai une carrière à côté, et c’était la bonne année. Pour toi qu’est ce qu’une Miss en 2023 ? C’est une fille qui aime sa région, sa ville, et plus particulièrement sa métropole. Pour moi, une bonne Miss Nancy est une femme qui est née à Nancy, qui connaît la ville, son histoire, son patrimoine, sa culture. Une bonne miss c’est aussi une fille gentille, qui n’est pas là que pour gagner, qui s’amuse en fait. Je n’ai aucune intention de me battre avec quelque candidate que ce soir, et toutes les candidates devraient penser la même chose. Si tu avais l’opportunité de changer quelque chose à Nancy, qu’est ce que ce serait ? Nancy est en train de devenir une ville piétonne. Quand je vois les travaux rue Saint Jean, ça ne donne plus envie d’aller dans les commerces. Il faudrait faire de Nancy une ville plus vivante, sans enlever les voitures. Si on enlève le tourisme en ville, on fait de Nancy une ville fantôme. Il faudrait plus d’informations sur le stationnement, et les réformes. Un mot pour les futurs étudiants en Master géographie ? Je dirais « courage ». En arrivant en L3, on a envie de continuer. Je pense que les gens sont assez grands. Le mémoire peut faire peur, mais on rentre dans le cadre du métier. Professionnellement, c’est hyper intéressant.

4 Questions À...

4 Questions À...

Mario Mandile Mario est étudiant en troisième année de licence modernes à Nancy. Originaire de Naples, il est en ERASMUS de septembre à juin. Pour sa mineure, il a choisit l’histoire. Nous l’avons rencontré. Interview Thomas Chiarazzo et Elise Labbé. Photos Martin Vincent. Quelles différences remarques-tu entre Naples et Nancy ? Nancy, au moins pour moi, c’est un peu plus universitaire. Naples c’est vraiment plus chaotique. Il y a beaucoup de différences entre l’architecture notamment. C’est un aspect esthétique. Peutêtre que c’est un peu plus facile de connaître des gens ici, de se voir. Il y a un environnement plus concentré. L’idée de campus n’existe pas trop à Naples, les universités sont privées. Mon premier choix pour l’ERASMUS était les Pays-Bas. Je sais parler anglais, j’avais pensé à la France mais je ne connaissais pas le français. Je n’avais jamais étudié le français avant de venir ici. Est-ce que tu as réussi à t'intégrer à la fac ? C’était un peu difficile au début mais c’était surtout pour mes difficultés avec la langue, même si je ne pouvais pas bien parler, je commençais à parler avec Elise {ndlr. Elise Labbé, journaliste E-Storia}. Parler c’est un mot très grand pour décrire ce que je pouvais faire mais au moins communiquer. J’étais très actif pour essayer de connaître des gens et c’était pas trop difficile pour moi. Quelles sont tes attentes en ERASMUS à part améliorer ton français ? Je veux visiter beaucoup de villes, je veux profiter du fait que je sois ici, je vais sûrement découvrir. J’ai pas d’attentes spécifiques, mais je suis ouvert à découvrir, à connaître les belles choses, les traditions. Quelles compétences tu aimerais acquérir cette année ? Je suis en train d’apprendre le français, c’est déjà bien. Avant de venir ici, j’avais toujours vécu chez moi car l’université était très proche de chez moi. C’est une chose très banale, très simple mais c’est nouveau. Apprendre la langue c’est dificile, mais stimulant. Peut-être que ce que je veux étudier ici est différent, les méthodes par exemple. Ici il y a des différences de méthode, je veux apprendre comment marchent les examens, les textes à étudier. C’est assez difficile même si c’est une compétence que je vais avoir en plus. J’ai toute l’année pour améliorer mon français. J’ai commencé ici à avoir de l’insipiration pour enseigner l’italien aux étrangers peutêtre, mais c’est pas encore sûr.

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Les Chiens de Navarre : ACB Scène Nationale Cachez cette démence que je ne saurais voir ! Depuis un petit bout de temps j’entendais parler des Chiens de Navarre qui étaient pour moi inconnus au bataillon … “Il ne faut jamais, mais alors jamais, être aux premiers rangs de l’un de leurs spectacles si vous souhaitez rester propre” : voilà le portrait qu’on m’avait dressé de cette troupe. Autant vous dire que j’ai couru vers mon ordinateur pour connaître leurs prochaines dates. Par chance, ils passaient un week-end à Barle-duc à l’ACB ! Hop hop ma place était réservée (sans même avoir lu la note d’intention) : je pouvais enfin espérer vivre “L’expérience des Chiens de Navarre”. Et quelle expérience ! Avant même d’être assi.es confortablement dans un fauteuil rouge immaculé, nous sommes plongé.es dans la pièce. Les comédien.nes, interprétant des politicien.nes à l’Assemblée Nationale, se crient dessus, s’engueulent et nous prennent à partie. Un début d’anthologie qui annonce un spectacle qui ne sera pas de tout repos. La tension monte, le rideau tombe. On découvre le bien triste panorama d’un hall, complètement destroy, des urgences d’un hôpital français. La messe est dite : la folie sera au cœur de la pièce. Le thème, contrairement à ce qu’on pourrait penser, est loin d’être évident … Ici il n’est pas question de stigmatiser les personnes souffrant d’un trouble mental mais de révéler que tout le monde est en proie à une folie contemporaine, systématique et surtout systémique. Cette question, parfois touchy, est transcendée, paradoxalement, par une mise en scène excessive et jouissive : le mauvais goût domine. Photographies de la Vie est une fête, DR. C’est simple, on retrouve dans la pièce tous les fluides que le corps humain peut produire : sang, urine et matière fécale. On est à l’antipode des idées reçues autour du théâtre comme un genre artistique “planplan” et bourgeois ! Dans La Vie est une fête, les saynètes se succèdent et aucun sujet n’est épargné : des diktats (absurdes) de la beauté et de la jeunesse jusqu’à la Crise des Gilets jaunes et des violences policières qui l’ont accompagnée. Entre des scènes de manifestation où on se bastonne puis s’embrasse langoureusement pour faire la paix ou des suivis gynécologiques avec des outils du BTP on assiste à l’hégémonie de la Start-up Nation qui fait maintenant dans le médical (faute d’engagement de l’État ?) … À coup d’anglicismes et de demi-tours d’hoverboard on a la confirmation que le système médical français va très mal … Bordel, la vie est une bien triste fête : la démence sera notre seule rédemption ! Sexe, violence et politique : en voilà un bon cocktail molotov pour dynamiter un samedi après-midi ennuyeux en famille ! La prochaine fois, lâchez leur dessus la meute des Chiens de Navarre ! Sarah COUDRAY

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