NUMÉRO HIVER 2022 AU BOUT DU FIL Témoignage d'un vétéran de la Seconde Guerre mondiale DE LA LECTURE CINERAMA - NUIT De l'oeuvre à l'adaptation cinématographique LE RETOUR DU QUIZ Et toujours votre horoscope de l'hiver et un article sur Hedy Lamarr, de l'atrice reconnue à l'inventrice oubliée NUMÉRO 8
P.1 : Sommaire P.2 : L'édito P.3 et 4 : Au bout du fil P.5 et 6 : Hedy Lamarr - Actrice reconnue et inventrice oubliée P.7 à 10 : Cinérama P.11 : Quiz P.12 à 14 : L'horoscope d'hiver P.15 : Et si c'était vous? moc.liamg@ycnanairotse airotS-E
Au bout du fil De bouche à oreille : interview d'un vétéran, Pt 1/3 Le dimanche 5 décembre 2021, j'ai eu le plaisir de revoir un vieil ami, monsieur Henri Violle, vétéran de la Seconde Guerre mondiale. Ce brave homme, toujours prêt à faire part à la jeunesse de ses faits d'armes, a accepté de nous parler de cette période qui a forgé l'adolescent de 13 ans qu'il était en 1939 et qui continue d'émouvoir et de mouvoir l'homme de 95 ans qu'il est désormais. Au début de la guerre, il vivait dans un petit village de Meurthe-et-Moselle : Merviller. Il a accepté de répondre à mes questions et à celles de Noah, ami et collègue en L1 d'Histoire : Parlez-nous de l'année 1940. "Le 20 juin, Merviller était défendu par une division du Général Polonais Sikorski. Les Allemands sont arrivés à Brouville la veille au soir et au matin ils ont voulu sortir du bois de la Voivre entre Brouville et Montigny à 5 ou 6h. Les Polonais étaient à la sortie de Merviller et ne les ont pas laissé sortir. Les Allemands ont à ce moment-là attaqué par Montigny à 10h du matin. Les Polonais avaient un canon de 25mm à l'intersection entre Vacqueville et Merviller. Les Allemands n'ont donc pas pu sortir par là car les Polonais avaient aussi des tranchées sur la route du cimetière barrée par 2 sterres de bois. J'ai récupéré à l'époque un fusil lebel d'un soldat Polonais tué que j'ai trainé avec une ficelle au nez et à la barbe des allemands. J'étais un premier résistant ! Je l'ai caché au dessus de l'armoire dans la chambre où dormait un Allemand logé chez nous pendant l'Occupation. Cwiczenia piechoty polskiej we Francji - zolnierze z karabinami MAS 36, domaine public, source : https://commons.m.wikimedia.org/wiki/File:Cwiczenia_piech oty_polskiej_we_Francji__zolnierze_z_karabinami_MAS_36_NAC_18-250-17.jpg#mwjump-to-license
ailleurs, "Les Français nous lâchent" ils disaient. Ils ne se sont pas sauvés, ils se sont retirés et réfugiés le long de la route de Grammont. Comprenez, si ça lâchait ailleurs ils pouvaient pas rester ou ils auraient été faits prisonniers ! Les allemands sont entrés à 14 h à Merviller. C'était de l'Infanterie et chaque allemand avait sur le dos une mitrailleuse, c'était une division d'élite. Les Français avaient une mitrailleuse pour 10. Il y a eu environ 10 soldats Polonais tués, ils ont été enterrés au cimetière du village mais peutêtre qu'ils ont été déplacés depuis. Frankreichfeldzug, Panzer IV, Erhardt Eckert, 1940, Licence CC-BYSA, Das Bundesarchiv, https://commons.m.wikimedia.org/w iki/File:Bundesarchiv_Bild_101I-055159931,_Frankreichfeldzug,_Panzer_IV.jpg #mw-jump-to-license Comment avez-vous vu les premiers Allemands arriver ? J'avais 14 ans, je les ai vu arriver. Il fallait ravitailler les gens comprenez les boulangeries étaient fermées. Mon père était maire, il m'a envoyé rue de Grammont pour amener du pain et j'ai vu "les boches", qu'on disait, arriver. Quel était votre rapport avec eux ? Ils étaient gentils. Le jour de la bataille ils avaient pas dormi de la nuit. Ils ont demandé de l'eau, se sont lavés et rasés dans la cour. L'hiver 40-41, ils ont été 2 mois, janvier et février, à Merviller c'est là que j'ai appris l'allemand. J'avais une excellente mémoire et ils disaient que je le prononçais bien car j'écrivais le mot et ils le prononçaient pour moi, ils m'expliquaient la façon de dire les mots. Ils sont partis en mars envahir la Russie. C'était un régiment d'artillerie. Ils s'entrainaient à tirer sur des poteaux et couraient voir le résultat. Pensez à 15 ans de voir çà c'était intéressant ! Sinon on n'avait pas à se plaindre d'eux, on avait l'officier allemand qui couchaient dans ma chambre là où j'avais caché le fusil. Oh là j'aurais pu faire fusiller tout le monde ! J'étais imprudent ! Quand ils perquisitionnaient, pour louper quelque chose fallait que ce soit enterré." La suite au prochain numéro...
RECONNUE ET INVENTRICE OUBLIÉE Connue principalement pour sa carrière d’actrice sulfureuse, Hedy Lamarr, de son vrai nom Hedwig Kiesler, a joué un rôle aujourd’hui oublié : celui d’inventrice, ayant mis au point un système pour contrer l’armée allemande. Née en Autriche en 1914 dans une famille bourgeoise, Hedwig reçoit une éducation poussée et son père, dès son plus jeune âge, lui apprend le bricolage. Elle part en Suisse pour fuir la guerre mais à la suite d’un concours de beauté et du visionnage du film Metropolis de Lang, elle décide de devenir actrice. Sa carrière prend un tournant en 1933 lorsqu’elle joue le film Extase dans lequel elle simule un orgasme, une première dans le cinéma. Cela lui vaut d’être condamnée par le pape Pie XII et certaines scènes sont coupées dans différents pays européens. Mais sa carrière est lancée et elle joue dans plusieurs films à succès. Elle est reconnue comme « la femme la plus belle du monde » et sa beauté inspire des personnages de fiction comme Blanche-Neige ou encore Catwoman. Sa vie change lorsqu’elle épouse Friedrich Mandl, puissant marchand d’armes autrichien, fournisseur de Mussolini et proche d’Hitler. Ce mariage de connivence se transforme en prison pour la jeune femme qui voit ses libertés réduites de plus en plus. En 1937, il lui interdit finalement de poursuivre sa carrière d’actrice et c’est la goutte de trop. Elle fuit dans la nuit et part aux Etats-Unis où elle prend le nom d’Hedy Lamarr qui se compose de l’abréviation de son prénom et le nom d’un paquebot de croisière. Elle signe dans l’agence la plus populaire et sa notoriété grandit encore. Mais de l’autre côté de l’Atlantique, la Seconde Guerre mondiale fait rage. Les Etatsuniens décident de rejoindre les Alliés mais ils sont confrontés à un problème : les sous-marins allemands, les Unterseeboots, détruisent la marine américaine. Pour lutter contre cela, cette dernière décide d’envoyer des torpilles radioguidées mais ce système échoue car l’ennemi parvient à les détecter. Hedy Lamarr cherche alors à contrer ces problèmes en mobilisant ses connaissances sur l’armement grâce à son premier mariage mais aussi, et surtout, grâce à son ami le compositeur George Antheil qui dans Ballet mécanique, a mis au point un système pour synchroniser des instruments de musique (ici 16 pianos) par des sauts de notes. Cela se fait par un cryptage spécial qui est inscrit sur des pianolas, des rouleaux de musique perforés et qui a pour avantage d’être impossible à décoder. L’actrice décide de transposer ce principe à l’armée et elle invente ainsi l’étalement de spectre par saut de fréquence. Le brevet est déposé en 1941 et est libre de droit pour l’armée américaine. Cependant, le projet n’est pas utilisé car jugé trop innovant et on demande à Lamarr d’utiliser plutôt son statut de sex-symbol pout organiser une levée de fonds pour l’armée. Cet accueil froid fait qu’elle n’abordera plus le sujet, même dans ses mémoires. Il n'existe malheureusement que très peu de sources évoquant son rôle scientifique, montrant encore une fois que cet aspect de sa vie a été oublié. Si vous souhaitez vous intéresser à sa vie d'actrice, je vous recommande son autobiographie : Ecstasy and Me Hedy Lamarr en 1948 lors de la promotion du film Let's Live a Little
Son invention est finalement utilisée lors de la crise des missiles à Cuba en 1962 et pendant la guerre du Vietnam mais son nom n’est jamais mentionné. Le brevet est déclassé et rendu public en 1959 et les entreprises de téléphonie le récupèrent, ce qui fait que, encore aujourd’hui, son système est utilisé dans les technologies liées au Wifi, au Bluetooth ou encore dans les communications des navettes spatiales. Son talent d’inventrice est enfin reconnu en 1997 lorsqu’elle reçoit le prix de l’Electronic Frontier Fondation et elle entre en 2014, à titre posthume, au Inventors Hall of Fame. Mais encore aujourd’hui sa notoriété repose essentiellement sur sa carrière d’actrice et non pour son invention. FLORIMOND Emma Ci-dessous : schéma de l'invention au moment du dépôt du brevet, on y retrouve lisiblement le nom de l'actrice.
Voici enfin la nouvelle année et ses promesses cinématographiques. Avant de découvrir, dans les jours qui viennent, Nos âmes d’enfants de Mike Mills ou, pour les plus studieux d’entre vous, Les leçons persanes de Vadim Perelman, le festival Télérama vous a concocté une petite rétrospective sur les films qu’il ne fallait pas rater en 2021. On foncera revoir Les Olympiades et Drive my car. Vous avez une semaine devant vous pour bénéficier de ce rattrapage cinématographique permis par Télérama ; pour cela, un seul rendez-vous à Nancy : le Caméo Commanderie. L’actualité cinématographique est particulièrement contrastée en cette fin janvier : si l’annonce de la restauration et de la diffusion de La Maman et de la Putain réchauffe le coeur des cinéphiles, la mort du regretté Gaspard Ulliel vient l’attrister … Depuis quelque temps, nous voyons se multiplier les adaptations au cinéma de romans avec Les Illusions perdues de Balzac ou de pièces de théâtre avec Macbeth de Shakespeare : nous sommes en droit de nous demander que serait le cinéma sans la littérature. Vaste question … Il est beaucoup et peu à la fois ; en atteste le nombre de films qui tirent leur scénario de romans, pièces de théâtre ou encore nouvelles. Pour célébrer la nuit de la lecture du 20 au 23 janvier, petit focus sur certains ouvrages qui témoignent d’une période historique et qui ont fait l’objet d’une adaptation cinématographique. Satyricon (Fellini Satyricon) Federico Fellini 1969 Italie et France Perceval le Gallois Eric Rohmer 1978 France, Suisse, Allemagne de l'Ouest, Italie Gens de Dublin (The Dead) John Huston 1987 Royaume-Uni, Irlande et Etats-Unis Tous les matins du monde Alain Corneau 1991 France Jojo Rabbit Taika Waititi 2019 Etats-Unis, Nouvelle-Zélande et Tchéquie
s’exprime par un dégoût de la société de consommation ; la réaction des artistes face à cela : un retour à une Antiquité rêvée. Satyricon est une œuvre inclassable où se rencontrent la sexualité débridée des Romains, la libération sexuelle des années 1970 et la « démocratisation » des substances illicites. Le grand réalisateur italien, Federico Fellini, Satyricon, DR. adapte librement le roman attribué à Pétrone. Encolpe, Ascylte et Giton, trois jeunes hommes, invitent le spectateur à suivre leur histoire dans une Rome Antique festive, décomplexée et mythique. Fellini exprime, dès la genèse de son film, cet attrait pour les zones d’ombres et les ellipses présentes dans le texte d’origine, les rapprochant des découvertes archéologiques, de ces sculptures ou de ces vases bien souvent fragmentés. Loin des péplums, ce film décousu, d’une grande beauté plastique est comme l’assemblage de fresques antiques qui se seraient animées. Sa sortie en salle est un choc : l’outrance, l’extravagance et cette sexualité affirmée en rebutent plus d’un. Il faut concevoir que ce long-métrage contraste grandement avec les précédents films des réalisateurs italiens qui s’illustrent dans le néo-réalisme ou encore ceux de leurs voisins français de la Nouvelle Vague qui renouvellent les modes narratifs du cinéma. Satyricon, au-delà de sa beauté plastique, est une véritable expérience. Petit conseil : dotez-vous d’un bon verre de vin pour prendre part à ce banquet ou assister au combat contre le Minotaure. Perceval le Gallois, DR. Perceval le Gallois : Eric Rohmer, grand réalisateur de la Nouvelle Vague, peintre des sentiments humains, prête un grand intérêt à la littérature, qu’il maitrise bien ; en témoigne son activité de professeur de français. Sa série de films Comédie et Proverbes illustre son affection pour les lettres ; Pauline à la plage, en 1983, est encore un clin d’œil à l’œuvre de Chrétien de Troyes. Dès 1978, il s’attaque à l’auteur médiéval avec l’histoire de Perceval le Gallois, issu du dernier des Romans de la Table Ronde, rédigé à la fin du XIIe siècle. Perceval, valet d’origine, souhaite devenir chevalier du roi ; nous le suivons dans sa quête du Graal, qui le rendra plus téméraire. Lors du premier visionnage, nous sommes interpellés par les décors qui dénotent de ceux des blockbusters ou des peintures du romantisme et de l’art troubadour du XIXe siècle. Le réalisateur souhaite retrouver un « espace simplifié et stylisé […] en représentant les arbres, tels que les gens du Moyen Âge se les représentaient. » Si la forme est un risque, le choix du jeune Fabrice Luchini comme acteur l’est tout autant mais cela fonctionne. Comme dans la plupart des films du cinéaste, l’aspect faussement niais des décors, des dialogues ou des situations se veut l'écrin d’une réalité plus complexe. Pour les plus dubitatifs d’entre-vous, nous ne pouvons que vous conseiller de visionner Lancelot du Lac d’un contemporain de Rohmer : Robert Bresson.
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