JUIN 2023 THOMAS AND THE CAMPUS JEAN GABIN : DES PROJECTEURS A LA 2EME DB LES ROISES DE LUCEY Mais aussi 4 questions à deux étudiants ; Au bout du fil ; le cinérama, Ask your prof ; Quiztoria, etc. NUMÉRO 12
L'ÉDITO Chères lectrices, chers lecteurs, En ce mois de juin, pas de vacances pour E-Storia qui, galvanisé par le succès des numéros précédents, vous présente à nouveau son œuvre. L'ensemble de l'équipe de rédaction du journal est heureuse de vous la faire découvrir et espère qu'elle saura répondre à vos attentes. Ce mois de juin 2023 est aussi l'occasion de célébrer les fiertés. C'est tout l'objet de la couverture de ce nouveau numéro qui met en valeur l'article de Thomas Chiarazzo et sa rubrique Thomas and the Campus. Il interroge l'affirmation dans l'Histoire des personnes homosexuelles et l'apparition de l'homophobie. Un article d'actualité à ne pas manquer ! Ce nouveau numéro marque aussi le retour de rendez-vous auxquels vous tenez. Dans la rubrique Ask your prof, découvrez une interview exclusive de Clarisse Tesson, qui fut Attachée Temporaire d'Enseignement et de Recherche à la faculté d'Histoire de Nancy pour l'année universitaire 2022-2023 et qui n'a pas manqué de laisser un agréable souvenir aux étudiants ayant eu la joie de l'avoir comme professeure. Puis, dans la rubrique Lieux, un article sur la maison du célèbre architecte Jean Prouvé ravira les amateurs de construction et de design ainsi que les curieux, nombreux parmi notre cher lectorat. Dans Cinérama Sarah Coudray revient elle sur les films traitant de l'art. Ses analyses fines dignes d'un critique cinématographique mettent ce mois-ci en lumière des chefs-d'œuvre du septième art tel que La vie passionnée de Vincent Van Gogh. De plus, deux étudiants ont répondu à nos questions dans la rubrique 4 questions à... Dans la rubrique Au bout du fil, la reconstitution historique, véritable passion pour bien des gens, est mise en avant en tant que vecteur de la transmission du savoir. Ce mois de juin est aussi l'occasion pour vous, à la fin de ce numéro, de tester vos connaissances ou de réviser grâce à Quiztoria, organisé selon les programmes des trois années de Licence. Comme dans chaque numéro, E-Storia s'ouvre à l'ensemble du Campus de Lettres et de Sciences Humaines de Nancy en en présentant les diverses associations et les différents événements universitaires d'importance qui s'y déroulent. Ainsi, ce mois-ci, c'est l'association Unilore, très active dans la vie estudiantine qu'elle cherche à rendre plus divertissante, qui a bien voulu accueillir vos humbles serviteurs. Votre journal s'ouvre d'autant plus à vous que chacun est libre d'y écrire, même ponctuellement ! C'est ainsi que Léo Marchal vous parle d'un thème assez osé puisqu'il traite des roises de Lucey, dernier vestige lorrain de la culture du cannabis. Martin Vincent, lui, nous en apprend plus sur un personnage ô combien célèbre ayant oscillé entre carrière militaire et cinématographique : Jean Gabin. E-Storia s'ouvre aussi sur la région Lorraine, voire Grand-Est en général grâce à Sarah Coudray qui dans sa rubrique Keskonfai, attendue par nombre d'entre vous, vous propose des films à ne pas manquer ! Que vous soyez un habitué ou que vous nous lisiez pour la première fois, que vous soyez en Licence, Master ou Doctorat, Enseignant ou extérieur au monde universitaire, je vous suis grandement reconnaissant de votre soutien. Vos retours chaque mois sur notre travail nous touchent toutes et tous qui travaillons pour vous satisfaire et espérons atteindre ce but qui est pour nous un devoir et pour E-Storia une raison d'être. Je tiens d'ailleurs à remercier mes collègues et ami.e.s du journal qui s'efforcent de vous proposer chaque mois un travail de qualité, en espérant que ce nouveau numéro vous plaira ! Il ne me reste donc plus à ce titre qu'à vous souhaiter, au nom de toute l'équipe du journal, une très agréable lecture ! Rémy Mougeat
vivante : concept, limites et utilités Reconstitution à Naseby --Domaine public- Pour connaître l'Histoire, nous étudiants ou bien les professeurs et les curieux pensons en premier lieu aux livres, qui permettent de comprendre des événements mais pas forcément de les concrétiser. Alors comment vivre un événement passé ? Voilà tout l'intérêt de la reconstitution historique, aussi appelée l'Histoire vivante. Reconstiuteurs de la légion romaine, sortant d'un camp reconstitué -Domaine public - Cette pratique, véritable passion pour des millions de personnes dans le monde, consiste à s'habiller et agir selon les mœurs d'une période passée à l'occasion d'expositions ou de manifestations culturelles. Le tout se fait dans un environnement (camp, monument...) reconstitué de sorte à représenter le plus fidèlement possible une époque passée. Ainsi, la reconstitution concerne toutes les périodes historiques, grâce à des groupes (très souvent des associations) spécialisés sur une certaine partie de l'Histoire. Par exemple, il existe des reconstitutions des troupes françaises ou allemandes de la Première Guerre mondiale tout comme il existe des groupes représentant des légionnaires romains de l'Antiquité ou des vikings du Moyen âge. Si la reconstitution historique se concentre essentiellement sur l'aspect militaire du passé, d'autres thèmes sont représentés comme la médecine, la mode, la danse, la cuisine ou encore le sport. Il suffit, après s'être documenté, d'acheter ou de coudre les vêtements, de se procurer le matériel et l'équipement. Est-ce donc une passion pour les riches ? Pas vraiment. En effet, si les coûts grimpent très vite, beaucoup d'associations, via les tarifs d'adhésion et la création de pots communs, partagent les frais. Les
même fournir gratuitement les tenues aux membres qui les rendent à la fin de leur participation aux événements. Donc, tout est théoriquement reconstituable par tout le monde. Même vous mesdames pouvez participer. En effet, certaines reconstitutrices se travestissent en homme (car dans les faits il n'y avait pas de femmes légionnaires romaines par exemple) bien que cette pratique suscite encore débat. D'autres reconstitutrices représentent des femmes : auxiliaires militaires, danseuses, infirmières, cuisinières, tireuses d'élite, servante, impératrice etc. Loin de prôner une vision genrée des tâches ménagères ou un sexisme exacerbé, elles s'attèlent surtout à montrer au public l'Histoire générale et celle des femmes en particulier. La reconstitution historique est donc une discipline ouverte à tous et à tout. Noëlla Croquelois, étudiante en Histoire à Metz, représentant Dorothy Lawrence qui s'est travestie en homme en 1915 pour participer à la Première Guerre mondiale. -Photo appartenant à Marc Prt (Fb : Tout simplement une passion)- Mais, dans les faits, tout n'est pas vraiment reconstituable. En effet, comme pour toute démarche historique, la reconstitution nécessite de se documenter via des lectures, des recherches etc. Le but est en effet de représenter les choses telles qu'elles se sont passées en évitant les anachronismes, c'est-à-dire les illogismes mélangeant deux époques (utiliser un briquet moderne sur un camp représentant la guerre de 14-18 par exemple), et les erreurs (montrer une fantaisie, une idée reçue sur une époque ne correspondant pas à la réalité historique). Or, parfois, les sources manquent, ce qui empêche les reconstitueurs de représenter de manière certaine la réalité. Par exemple, les groupes représentant la Grèce antique ne savent pas comment étaient fabriqués les linothorax, armures ventrales de toile des hoplites, car les historiens n'ont pas de sources sur ce point. Ainsi, une méthode non attestée mais utilisée par les reconstituteurs consiste à coller plusieurs couches de tissu entre elles jusqu'à obtenir une cuirasse épaisse. Donc, tout n'est pas réellement reproduisible, il reste des zones d'ombre. L'Histoire vivante est aussi limitée par la législation, qui diffère selon les pays. En effet, dans certains Etats comme la France et l'Allemagne, certaines choses ne peuvent être reconstituées que dans certaines
vous empêche légalement de vous promener en ville habillé.e avec une tenue du XVIIIe siècle mais vous auriez interdiction de déambuler dans un uniforme du IIIe Reich. En effet, la loi interdit le port d'insignes utilisés jadis par des organisations condamnées pour crime contre l'humanité par le tribunal international de Nüremberg de 1945. Ainsi, la croix gammée ou le sigle "SS" porté par les soldats nazis durant la Seconde Guerre mondiale, ne peuvent pas être portés publiquement. Toutefois, cela est autorisé dans le cadre de reconstitutions historiques ou d'expositions à but pédagogique et culturel. Mannequin portant un uniforme SS, Arquebus Krigshistorisk Museum, Norvège - Domaine public- Cependant, si la loi est tolérante sur ce point, certains groupes ne le sont pas. Ainsi, certaines associations refusent d'accueillir dans leur rang des gens arborant un uniforme SS, même si ces personnes ne sont pas animées de mauvaises intentions ou prônant une idéologie politique. Une autre limite à la reconstitution, dans le domaine militaire, est l'utilisation d'armes. En effet, la détention d'armes à feu en France est très réglementée. Elles sont divisées en 4 catégories : la catégorie A concerne les armes de guerre interdites à la possession, la B les armes nécessitant une autorisation de l'Etat à la possession (conditionnée à l'obtention d'une licence de tir), la C les armes soumises à déclaration aux services de l'Etat et la D les armes créés, sauf exception, avant 1900 et les baïonnettes, libres d'acquisition et de possession pour les majeurs. Ainsi, toutes les armes utilisées doivent être de catégories D ou, s'il s'agit d'armes des catégories A, B et C, démilitarisées, c'est-à-dire rendues inoffensives en démontant le système de tir et en bouchant le canon. Or, cela peut être compliqué. En effet, pas question de démilitariser soi-même une arme. En France, seul le Banc National d'Essai de Saint-Etienne (BNES) dans la Loire est reconnu apte à neutraliser une arme. Mais c'est une opération difficile nécessitant de démonter l'arme soi-même et de l'envoyer au BNES par La Poste dans plusieurs colis, à plusieurs jours d'intervalles (pour éviter que le facteur ne vole l'arme et s'en serve). C’est pourquoi de nombreux reconstituteurs utilisent de fausses armes, airsoft (à billes) ou totalement inertes, fabriquées notamment par la firme
historique est donc limitée par la législation, pour des raisons de décence et de sécurité. Réplique espagnole inerte d'un Colt 1911, sur laquelle est inscrite un numéro de série est le nom du fabricant ainsi que la mention "Made in Spain". -photo de collection personnelle- Si l'Etat encadre tant l'Histoire vivante, c'est que son rôle dans la culture est non négligeable. Un des intérêts de la reconstitution historique : faire des hypothèses et les tester. En effet, l'autre nom de la reconstitution historique, quand elle sert à mettre en pratique une théorie, est l'archéologie expérimentale. Un des plus importants exemples de cette utilisation de la reconstitution historique comme un moyen de découvrir de nouvelles choses est le château de Guédelon dans l'Yonne. Il ne s'agit pas d'un chantier de restauration mais de construction. Eh oui ! Au Moyen âge ce château n'existait pas. Les travaux n'ont débuté qu'en 1997 et sont effectués par des carriers, des tailleurs de pierre, des maçons, bûcherons et charpentiers utilisant les techniques architecturales du XIIIe siècle. Or, parfois, les ouvriers ignorent comment certaines choses étaient faites et doivent faire des expériences pour le découvrir. Par exemple, ils ne savaient pas comment fermer les trous des murs constituant les fenêtres, le verre n'étant pas une option. Ainsi, suite à plusieurs expériences, ils ont découvert qu'il fallait tendre une pièce de cuir fine et l'enduire d'huile, ce qui permettait, non pas de voir l'extérieur mais de laisser entrer la lumière dans les pièces. La reconstitution historique est donc un vrai atout aidant la recherche. Chantier du château de Guédelon en août 2019 - Domaine public - Si la reconstitution permet d'enrichir l'Histoire, elle est aussi un outil de
L'Histoire vivante est en effet un atout pédagogique. Il n'y a pas vraiment de cibles, tout le monde est concerné même si les enfants, qui ne sont pas forcément initiés et captivés par l'Histoire du fait de leur jeune âge, sont un public particulièrement visé car en voyant un reconstituteur, un "vrai poilu", plus concret que dans les manuels qu'ils utilisent à l'école, ils seraient plus concentrés et apprendraient plus. La transmission des connaissances peut donc se faire selon plusieurs formes. Soit le public observe les reconstituteurs réitérant une bataille passée comme c'est le cas chaque année en juin à Waterloo en Belgique pour commémorer la dernière bataille de Napoléon I ; soit, lors de bivouacs (campements) et d'expositions, les visiteurs peuvent interagir avec les reconstituteurs, répondant à leurs questions et donnant parfois des conférences. Les personnes âgées, elles aussi, peuvent parfois s'intéresser à la reconstitution historique et interpeller les participants, pour une toute autre raison. En effet, pour les périodes récentes, cela leur évoque des souvenirs. Ainsi, à une reconstitution à Épinal le 26 mai, une dame de 88 ans s'est confiée à moi, qui animait une exposition sur la Croix Rouge, me disant que son père pendant la guerre était secouriste et qu'elle l'aidait en lui apportant ses outils. Ainsi, la reconstitution se veut aussi être un lien entre le présent et le passé. Reconstituteurs vikings devant une foule de spectateurs -Domaine public- La reconstitution historique est donc un outil pédagogique et scientifique, nourrissant la culture et se nourrissant d'elle. Nul doute qu'elle est devenue une activité prisée du public et ayant un bel avenir devant elle. Rémy Mougeat
E-STORIA JUIN 2023 Unilore MAXEVANN (2EME A GAUCHE), ANCIEN PRÉSIDENT DE UNILORE, ET 3 MEMBRES PRÉSIDENT : PABLO DOS SANTOS ADHÉRENTS CETTE ANNÉE : 200 LICENCES : INTER LICENCES Unilore est une association inter-licence, touchant divers campus de Nancy. Fondée d'abord par un groupe d'amis, l'association est décrite comme ouverte à tout le monde et à tous projets, peu importe la discipline. Leur objectif est maintenant de recruter de nouveaux membres afin de prévoir leur départ, mais d'abord, ils souhaitent changer de président, en essayant de trouver un étudiant ambitieux en première ou deuxième année. Le président actuel est Pablo Dos Santos, en L2 HistoireGéographie. Sur les deux derniers mois, Unilore a organisé plus de vingt évènements physiques, et de nombreux évènements virtuels sur le Discord, qui compte plus de 1000 étudiants, surtout durant les blocus organisés ce semestre. Accessibilité aux mineurs : L'association s'adapte en conséquence des participants aux évènements Accessibilité aux personnes handicapées : Unilore a créé un poste à ce sujet, et prévoit d'être labélisée. THOMAS CHIARAZZO
ENTRETIEN PAR THOMAS CHIARAZZO PHOTO © THOMAS CHIARAZZO Attachée Temporaire d'Enseignement et de Recherche à la faculté d'Histoire de Nancy pour l'année universitaire 2022-2023, Clarisse Tesson est une de ces jeunes professeures qui marquent l'histoire. Elle a reçu en 2022 le prix des Jeunes Chercheurs de la fondation de Treilles dans la catégorie histoire. Quel est votre parcours universitaire ? Après le bac, j’ai commencé par étudier en classe préparatoire littéraire, car j’aimais bien faire un peu de tout et je ne savais pas trop quelle matière choisir. Je me suis ensuite spécialisée en histoire, l3 et master, à l’ENS de Lyon. J’ai fait un master de recherche en histoire médiévale puis, en M2, j’ai changé pour l’histoire contemporaine. J’ai passé l’agrégation d’histoire et suis arrivée à l’université Paris-Est Créteil pour mon doctorat. L’année dernière, vous avez reçu le prix Jeunes Chercheurs de la fondation de Treilles, en histoire, quelle a été votre réaction ? J’étais très contente, c’était un bel encouragement car je n’avais pas encore fini ma thèse. C’était aussi un soulagement de pouvoir avoir une aide financière : j’avais eu un contrat doctoral, mais on ne finit jamais sa thèse en 3 ans et je n’avais plus de ressources pour la fin de ma thèse. C’était donc un soulagement et un encouragement. Quand j’ai appris que j’étais professeure cette année, comme ATER (Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche), j’étais contente, car avant de me lancer en recherche, j’ai toujours voulu enseigner. J’étais contente aussi de découvrir comment ça se passait ailleurs, dans une autre université que celle de Créteil. Je fais cours comme un prof titulaire, mais l’expérience est limitée dans le temps, puisque j’ai un contrat d’un an. Je me suis beaucoup plu ici. C’est différent de mon expérience comme doctorante chargée de cours, où par exemple, je ne faisais pas de CM en amphi comme j’en donne là. Un doctorant donne maximum 64h de cours dans l’année, et là j’en donne 192. En tant que jeune, les rapports avec les étudiants sont-ils plus faciles ou plus difficiles ? Je dirais qu’il peut y avoir un peu des deux. On peut avoir un peu peur de ne pas être pris au sérieux, de pas être assez crédible, de ne pas avoir la même expérience que des personnes plus âgées, mais en même temps, on est passé il y a peu de temps par là où en sont les étudiants, ce qui permet d’avoir conscience de leur situation. On peut apporter d’autres compétences et les aider sur leurs difficultés. Comment réagissez-vous face aux étudiants qui ne suivent pas vos cours ? C’est variable et je ne peux pas forcer, car à la fac, on attend des étudiants qu’ils soient assez moteurs de leur formation. Je fais une distinction entre ceux qui perturbent le cours et ceux qui ne suivent pas sans gêner le cours. Ca reste assez désagréable de sentir que les étudiants ne suivent pas, on le ressent très vite et il n’y a pas du tout le même enthousiasme à faire cours quand les gens sont là ou quand on sent qu’ils sont absents. En TD c’est important que les gens soient bien présents, donc j’essaye de circuler autour de la classe, d’être physiquement partout, pour qu’il n’y ait pas que les étudiants du premier rang qui se sentent concernés.
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