FEVRIER 2024 MARIN MENZIN NOUVEAUTÉ : LES CHRONIQUES D’ELLA 4 QUESTIONS À NUMÉRO 16
Bienvenue en 2024. Cette nouvelle année verra arriver au sein de la rédaction E-Storia de tout nouveaux projets. Symbole de ce renouveau, Léa Lorette rejoint notre équipe afin de lancer “Les chroniques d’Ella”, récit fictionnel sur les crimes qui ont marqué l’histoire. Dans un contexte comme celui-ci, où la liberté de la presse semble de plus en plus être restreinte, nous avons eu la volonté dans ce numéro de vous présenter des profils auxquels les médias traditionnels ne s’intéressent pas, Emmanuel Geslin, salarié à la loge, Philippe Jolivet, responsable de la section histoire de la BU, et Emmanuelle Franck, responsable de la Studothèque Hérodote. En espérant que ce numéro vous plaira. Bonne lecture. THOMAS CHIARAZZO Rédacteur en chef de E-Storia 2024 sera culturel ou ne sera pas ! Pour cette nouvelle année, E-storia vous réserve plein de surprises et de belles découvertes : des retours sur les expos du moments, les pièces à ne pas louper, nos coups de cœur littéraires et cinématographiques ! Mon entrée en fonction en tant que rédactrice chargée de la culture débute sous les chapeaux de roues : des super projets sont en préparation avec le théâtre de la Manufacture et Nancy-Musées. On vous tient très vite au courant et on vous donne rendez-vous ici ou là, sur insta et pourquoi pas dans la rédaction ? SARAH COUDRAY Rédactrice chargée à la culture
PAR THOMAS CHIARAZZO PHOTOS MARTIN VINCENT L’ENFER DES BU FEVRIER 2024 THOMAS AND THE CAMPUS 1
DES BU A ujourd’hui, je suis allé travailler à la BU. Avec « Tripping over Air » de Aidan Bisset à fond dans mon casque, je me retournais vers tous ces livres qui m’entouraient. Je me suis alors demandé : Pourquoi ces livres ont-ils été choisis ? Comment les compter ? Ils semblent des milliers, peut-être un peu moins dans la salle géographie, mais là où je me trouve, entre deux étagères de la salle histoire, impossible de les compter sans me perdre dans cette multitude de couvertures, de titres, d’images, qui se confondent avec les murs de la bibliothèque. Certains ici n’ont pas été emprunté depuis un certain temps, certains ne l’ont même jamais été. En même temps, il y en a tellement que je ne suis pas sûr que les étudiants prennent le temps de consulter ne seraitce que le dos de chaque livre. Les bibliothécaires tiennent-ils des chiffres des emprunts ? Perdu face à cette multitude de questions, je suis parti à la rencontre de Philippe Jolivet, responsable des sections Histoire, Religion et Sociologie de la BU Lettres et Sciences-Humaines de Nancy. Photo 1 Manuscrit dans les magasins de la BU. Photo - Martin Vincent FEVRIER 2024 Pour répondre à toutes mes interrogations, Philippe m’a fait visiter la bibliothèque, et tous ses recoins. Les étagères destinées à toutes les thèses en lettres et sciences humaines depuis le siècle dernier étaient assez fascinantes, savoir que sur ses planches, se trouvent des milliers d’heures de travail, des centaines d’émotions. Pour autant, ce qui m’a le plus fasciné se trouve sous les pieds des étudiants qui font l’effort de se rendre à la BU. En tout, 300 000 livres s’y trouvent, rangés par catégories, et par ordre alphabétique. Devant moi, les numéros du New-York Times depuis au moins 1957. De quoi me plonger encore un peu plus dans mon intérêt pour les Etats-Unis, initié par Sex and the City. Les ouvrages purement historiques, sont eux empaquetés dans des compactus bleus. Tous ces endroits cachés ne m’ont cependant que peu surpris. Après tout, c’est plus ou moins comme ça que j’imagine les bibliothèques, même si on imagine peu qu’en dessous de nous, se passent tant de choses, ville sous la ville, comme Derinkuyu, célèbre ville souterraine de Turquie. Ce qui m’a le plus laissé sans voix, est l’endroit que l’on nomme « l’enfer ». Ce dernier se compose d’une simple étagère, à peine remplie, où reposent, discrètement, une dizaine d’ouvrages, retirés de l’emprunt par le prédécesseur de Philippe. Parmi eux, plusieurs éditions de « Mein Kampf », ou des manuels de l’église de scientologie. « Le mensonge d’Ulysse » ou « Revue d’histoire non conformiste » rejoignent quant à eux la liste des livres problématiques, écartés d’étudiants qui pourraient tomber dessus par hasard. Il est tout de même possible de les consulter, mais à la BU toujours. C’est aussi le cas des livres plus rares, ou plus anciens, protégés dans le sous-sol par une cage, dans un laboratoire. Pour autant, il semblait que certaines de mes questions restaient sans réponses. THOMAS AND THE CAMPUS 2
Stocks de la Studothèque Hérodote, photo Martin Vincent. Photo 3 Crédits Martin Vincent. Existe-t-il au sein du campus d’autres bibliothèques ? J’ai fait naturellement la rencontre de Emmanuelle Franck, responsable de la Studothèque Hérodote. Présente sur le campus depuis 2018, Emmanuelle veille au bon fonctionnement de la Studothèque Hérodote, qui concerne particulièrement les licences d’Histoire, d’Histoire de l’Art et de Géographie à Nancy. J’avoue y être peu allé durant mes études. Pourtant, une Studothèque, c’est une bibliothèque de proximité pour les étudiants. Les étudiants justement, il faut qu’ils soient conseillés au mieux dans leur formation, et donc dans la documentation, de la L1 au Master 2. Pour cela, les acquisitions d’ouvrages se font en accord entre les enseignants et E. Franck. Encore une fois, ce n’est pas la salle d’étude en elle-même qui m’a attiré, mais l’espace Marie Losson, qui rend hommage à une ancienne étudiante de l’Université de Lorraine, qui a fait don à l’UFR SHS de sa maison et de ses biens en 2019. A la fin de la même année, 6000 de ses ouvrages ont intégré la Studothèque avec un important fond de romans, donnés aux étudiants. Elle avait passé sa vie à mettre en valeur le patrimoine lorrain, et il semblait important à Emmanuelle Franck de rendre hommage à M. Losson en organisant des conférences, notamment soutenues par Dominique Jarrassé, spécialiste sur l’architecture juive. Il existe aussi un magasin à la Studothèque. Un magasin dans le langage bibliothécaire correspond aux stocks des espaces d’études. La Studothèque dispose de 4000 ouvrages dans ces magasins, situés sur le campus, composés de fonds anciens ou de livres moins pertinents. FEVRIER 2024 « THOMAS AND THE CAMPUS 3
Philippe Jolivet, responsable des sections Histoire et Religions à la BU SHS Nancy. Photo Martin Vincent. Mais qu’en est-il du budget ? Avec quel argent sont achetés tous ces ouvrages qui m’entourent encore et toujours ? Emmanuelle Franck confirme que le budget est réparti entre différentes studothèques du campus, puis réparti selon les formations, bien en dessous des 10 000 euros par an affichés par Philippe lors de mon premier entretien. Et pourtant, les actions dans les BU continuent de s’enchaîner. Entre deux cours, je décide d’y passer, et ainsi de découvrir, non sans surprise, une nouvelle table où sont disposés plusieurs livres des EDUL, ou des livres anciens, offerts par des particuliers. Beaucoup offrent des livres, qu’ils ne lisent plus, ou qu’ils veulent faire lire à d’autres. C’est aussi ça qui aide les BU à remplir leurs stocks. Ces dernières années, de nombreux particuliers ont aidé à la croissance populaire des boîtes à livres, dont le principe est de déposer un livre dans une ancienne cabine téléphonique, et de se servir en retour. Ce concept m’a toujours fasciné. Savoir à quel point certains pouvaient faire confiance à d’autres m’étonne encore. Le nombre de lecteurs augmente de plus en plus, avec une volonté de se sentir à l’aise, dans un monde différent du sien. Mais après tout, l’univers est un immense livre. Photo 5 Emmanuelle Franck, responsable de la Studothèque Hérodote. Photo Martin Vincent Thomas Chiarazzo FEVRIER 2024 THOMAS AND THE CAMPUS 4
Quand l’Histoire nous est chantée, Partie 2 : le Moyen Âge. Chevalier, mult estes guariz (Chevaliers, vous êtes très bien protégés) est une des chansons du Moyen Âge les plus connues. Cette chanson est d'un intérêt particulier : si elle faisait danser nos ancêtres et continue d'égayer les plus fervents historiens, elle permet surtout de leur apporter beaucoup de renseignements. D'abord, cette chanson nous montre la langue française telle qu'elle était au XIIe siècle. Voici les paroles du premier couplet et du refrain : Chevalier, mult estes guariz, Quant Deu a vus fait sa clamur Des Turs e des Amoraviz, Ki li unt fait tels deshenors. Cher a tort unt ses fîeuz saiziz; Bien en devums aveir dolur, Cher la fud Deu primes servi E reconnu pur segnuur. Ki ore irat od Loovis Ja mar d’enfern avrat pouur, Char s’aime en iert en pareïs Od les angles nostre Segnor. Chevaliers, vous êtes très bien protégés, Quand c’est vers vous que Dieu s’est plaint Des Turcs et des Almoravides, Qui lui ont fait une si grand honte En saisissant à tort ses fiefs. Il est juste que nous en souffrions Car c’est là que Dieu fut d’abord servi Et reconnu pour seigneur. Celui qui désormais ira avec Louis Ne redoutera plus jamais l’enfer Car son âme sera (mise) en Paradis Avec les anges de notre seigneur. Ensuite, cette chanson permet de comprendre un peu plus l'Histoire du XIIe siècle. En effet, en 1144 la forteresse d'Édesse (en actuelle Turquie) tombe aux mains des musulmans après un siège d'un mois. Des milliers d'habitants de la ville sont massacrés. Or, cette
disciple de l'apôtre Thomas et a donc une grande importance pour les chrétiens. Ainsi, lorsqu'il apprend la chute de la ville, le pape Eugène III publie la bulle Quantum praedecessores le 1er décembre 1145. Dans ce texte, il appelle à la croisade pour libérer la ville. Enfin, cette chanson permet de mettre à l'épreuve la capacité de déduction des historiens. Ainsi, on estime que la chanson a été écrite entre l'annonce de la croisade le 25 décembre 1145 et la date de départ le 12 juin 1147. Pour les nouveaux étudiants en Histoire, les plus anciens mal à l'aise avec le latin ou les gens extérieurs à la Faculté, ces dates portent un nom spécial. En effet, la date après laquelle à un événement s'est forcément passé s'appelle le terminus post quem, ici il s'agit du 25 décembre 1145. Quant à la date avant laquelle un événement s'est forcément passé, il s'agit du terminus ante quem, ici le 12 juin 1147. Peut-être cette chanson est-elle légèrement démodée, toujours est-il qu'elle n'a pas perdu de son intérêt. Au contraire, elle en gagne de plus en plus. Rémy Mougeat La suite au prochain numéro...
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