De la mort a la vie





Arthur Gyl

De la Mort à la Vie

Arthur Gyl


Que le tour du soleil ou commence ou s’achève,

D’un œil indifférent je le suis dans son cours ; En un ciel sombre ou pur qu’il se couche ou se lève, Qu’importe le soleil ? je n’attends rien des jours. Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière, Mes yeux verraient partout le vide et les déserts : Je ne désire rien de tout ce qu’il éclaire ; Je ne demande rien à l’immense univers. Alphonse de Lamartine 4

Que le tour du soleil ou commence ou s’achève,

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Prologue

Adam était ce qu’on a coutume d’appeler « un chic type sans histoire ». Il était né à Valence, fils unique d’une famille de modestes vignerons du sud-est de la France, dans la région qu’il aimait appeler Averoigne même si ce n’était pas son nom usuel. Il avait gardé un goût certain pour le Crozes-Hermitage dont il buvait un et un seul verre avant chaque repas, seul vin selon ses dires à « charrier dans le Syrah le sang de mes ancêtres ». Il avait grandi dans ces vignobles au nord de Tain-L’Hermitage ; enfance douce et chaleureuse, entre l’amour de ses proches et sa passion pour ses chères étoiles qu’il observait, chaque soir où le ciel était dégagé, à travers son vieux télescope. Car Adam rêvait depuis sa plus tendre enfance de devenir astrophysicien, comme Stephen Hawking dont il dévorait la littérature... sans toujours tout comprendre. Passionné, il l’était beaucoup ; doué, moins. Et devant la difficulté croissante des études qu’il avait entreprises, il comprit assez tôt qu’il ne ferait jamais d’étincelles en tant que chercheur. Alors, pragmatique, il entreprit de se tourner vers l’enseignement. Au moins, il en savait assez pour en apprendre à ceux qui n’en savaient rien. Et puis son père lui avait bien dit que « Les salles des profs sont peuplées de derniers de la classe ! » Tant qu’à être borgne, autant gouverner les aveugles… Adam devint donc professeur de physique-chimie au lycée Henri Decoin de Tain-L’Hermitage. Il s’y fit une réputation de prof « sévère mais juste » auprès de ses élèves, de « marginal et 6

Prologue

intello » auprès de ses collègues qui l’appréciaient peu… ce qu’il

leur rendait bien, ne se liant d’amitié avec aucun. Sauf Isabelle ! Ah… Isabelle… Ils étaient tombés amoureux au premier regard. Soixante ans plus tard, ils étaient toujours amoureux. Ils n’avaient eu qu’un fils, parti vivre au Québec, qui leur donna deux petits-enfants. Mais ils ne les voyaient guère, si ce n’est par internet… parfois à Noël… pas tous les ans… Son loisir favori, outre l’astronomie qui était sa passion, était le bricolage. Plus précisément le travail du bois et du métal : il a construit de ses mains tous les meubles de leur maison ! À la retraite, il fonda un club d’astronomie dans son village. Le temps passait agréablement entre son couple heureux, les copains du club, et le p’tit verre de Crozes à l’apéro. Et puis Isabelle mourut. C’est à ses obsèques qu’Adam vit sa famille pour la dernière fois. Rongé par la solitude, il décida d’entrer à la maison de retraite « Les Sept Chemins » de Pont-de-l’Isère, pour ne pas se déraciner du lieu béni où il avait vécu toute sa vie avec son aimée. Il y mourut à l’âge de quatre-vingt-neuf ans. Et c’est là que débute notre histoire… 7

intello » auprès de ses collègues qui l’appréciaient peu… ce qu’il

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21h — Salut, comment va ? demanda Sonia à Hélène. — Moi ça va, mais Adam, je crois pas qu’il passera la nuit… — C’est la fin ? — Le Dr Petit est passé le voir à la fin de ses visites et il est formel : c’est la fin. — Je l’aime bien, Adam… c’est un vieux monsieur comme on aimerait en rencontrer plus souvent. Jamais un mot plus haut que l’autre, toujours poli et souriant, pas de caprices… — Sauf son verre de Crozes deux fois par jour ! — Ah ça oui ! On a pas intérêt à l’oublier ! Rires légers… Rapidement les rires s’éteignirent. — Et merde ! Fait chier… 21h30 — Bonjour, Adam. Comment vous sentez-vous ? demanda Sonia en entrant sans bruit dans la chambre du mourant. — Comme j’ai dit au docteur tout à l’heure, je me sens comme Voltaire : je meurs en bonne santé ! répondit-il du fond de son lit. Sourires légers. Petit clin d’œil complice entre le vieil homme et la jeune infirmière. — Hélène vous a donné votre verre de vin ? 8

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bon.

— Elle me l’a servi, merci. Le dernier verre ! C’était bien — Ce soir, je reste vous veiller, ça vous dit ? — Vous allez m’accompagner jusqu’au bout ? — Oui, jusqu’au bout. Je ne vous laisse pas seul. Je vous ferai coucou quand le train démarrera ! — Hélène et vous êtes de corvée de mourant, alors ? — Ce n’est pas une corvée, Adam. C’est notre job… et notre volonté, car vous valez bien qu’on vous assiste au moment du départ. On vous aime bien, vous savez… — J’aime bien la façon dont vous prenez les choses, Sonia ! Pas de niaiseries, pas de pleurnicheries… que de la gentillesse. — Parce qu’on sait bien que ce serait déplacé avec vous, Adam. Mais faites-nous confiance : on pleurera comme des madeleines !… après. Silence gêné… — Hélène sera là aussi ? — Elle nous rejoindra après sa dernière tournée des chambres. — Alors je l’attendrai… 2h05 — Bonsoir, dit doucement Hélène en entrant dans la chambre. — Bonsoir, répondit joyeusement Adam. Merci de vous joindre à nous ! — Hélène, je peux te parler une seconde ? dit Sonia à voix basse. Dans le couloir… 9

bon.



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